Le groupe de travail « Intelligence Economique et Economie de la Connaissance » du GFII a publié en juin dernier un opus instructif : « Nouveaux usages de la veille : 5 pratiques en émergence ». Un livrable élaboré à partir de données bibliographiques, de retours d’expériences de veilleurs dans les grandes entreprises, mais également d’éditeurs de logiciels pour croiser la vision des utilisateurs avec celle des fournisseurs de solutions. Et de comprendre comment ces acteurs voient leurs activités évoluer à 3 ou 5 ans…
- La veille en temps réel permet de capter un corpus d’informations, sans décalage entre le moment de la production de l’input, du signal et sa diffusion vers les médias. Une activité plutôt liée à la gestion de crise imposant une réaction la plus proche possible de la détection de l’événement. Ce type de veille s’impose, car le web est devenu un espace de prise de parole aplanissant l’espace-temps. D’une part, il s’agit de ne pas laisser passer l’information essentielle, de l’autre être en mesure de réagir immédiatement. Avec la multiplication des sources sous surveillance et donc des données récupérées, cette veille accroit un phénomène de saturation chez les professionnels de l’information (ou « information overload »)… Pour limiter cette saturation, il faudra pouvoir compter sur les progrès de la recherche sémantique afin d’ajouter du sens aux résultats par l’analyse des sentiments, mais également optimiser la lecture et le processus d’analyse de l’utilisateur grâce aux restitutions visuelles et autres graphes de corrélation.
- La veille sur les réseaux sociaux, des réseaux centrés sur l’individu et ses opinions : ici, la veille entre de plain-pied dans la collecte et l’analyse des données participant à la construction de la réputation d’entreprise et de marque, la prévention d’attaques réputationnelles, mais également le suivi d’actions marketing et de communication via les opinions exprimées ou encore compléter l’habituelle veille concurrentielle par une veille RH (LinkedIn, Viadeo…). Selon le groupe de travail, l’avenir de cette veille « sociale » va dans le sens d’une multiplication des connexions internes à l’entreprise comme avec l’externe, la capacité d’acquisition de l’information utile via la contribution d’un nombre croissant de collaborateurs aux processus de veille à travers les réseaux sociaux d’entreprise, la généralisation des outils de curation grâce auxquels chacun fera de la veille, la pratique d’une co-innovation par la veille des communautés hyper spécialisées, etc.
- La veille multimédia (blogs, journaux, vidéos, forums, réseaux sociaux, presse en ligne, etc.) afin de pouvoir veiller sur tous les supports ou types d’information (papier, électronique, télé, radio, etc.) à partir d’un seul outil et de faire ainsi une veille à 360°… Pour être efficace, c’est-à-dire filtrer les (seules) informations dont l’organisation a besoin, il faudra une centralisation des données issues de tous les supports sur des interfaces uniques. La progression des technologies de la reconnaissance vocale (speech-to-text) pour les données issues de la radio ou de la vidéo devrait être un levier majeur d’amélioration de la mise à disposition du multimédia dans des solutions globales…
- La veille multilingue hautement stratégique, car la compétitivité des entreprises dépasse souvent les frontières d’un pays, devant s’affranchir des barrières linguistiques (avec la difficulté de maîtriser les aspects culturels…). Il faut donc disposer d’un outil de veille multilingue particulièrement pointu : collecte et/ou surveillance de sources multilingues avec traitement des caractères latins, chinois, arabes etc., catégorisation automatique des contenus par langue, dictionnaires multilingues intégrés, interface multilingue de consultation personnalisable, moteur de recherche sémantique proposant des fonctionnalités de recherche cross-lingue permettant l’interrogation de corpus multilingues à partir d’une requête monolingue…
- La cartographie (et représentation visuelle) de l’information permet de structurer l’information et de représenter visuellement des stocks et des flux. Elle offre ainsi une manière pertinente de lire et d’analyser les données, facilitant ainsi le travail de synthèse et de capitalisation du veilleur. Sans oublier sa valeur prospective avec la détection d’indices, de signes, de signaux faibles utiles pour anticiper l’environnement, repérer les menaces et saisir les opportunités. L’avenir préfigure davantage de visualisation en temps réel, en 3D, avec des cartes multicouches, de la fouille de textes (text-mining)…
Ces tendances de fond – qui consistent en somme à veiller partout et tout le temps – mettent en exergue l’indispensable progression technique des outils automatisés de surveillance et de représentation. Mais elles soulignent surtout leur corollaire : la capacité humaine à analyser – avec diligence et intelligence – les informations utiles aux décideurs…