Si les pays de la « vieille Europe » ont pris tardivement conscience de la valeur stratégique de leurs terres agricoles suite à la convoitise de puissances étrangères, la Chine a su quant à elle évaluer les enjeux de ses « terres rares ». Pourtant, même si nous parlons de ressources naturelles, il ne s’agit pas des mêmes enjeux.
Les « terres rares » regroupent en fait 17 métaux difficiles à exploiter (le terbium, le lanthane, l’yttrium, l’europium, le néodyme, etc.), utilisés dans la fabrication de produits de haute technologie tels les aimants d’usage courant (présents dans les batteries, téléphone portables, ordinateurs, voitures hybrides, éoliennes, etc.). L’enjeu serait de bien moindre importance si l’équation se limitait à la difficulté d’exploitation et à leurs applications. Seulement, dès 1992, le Président Xiaping fût visionnaire en soutenant l’exploitation de ces gisements sans aucun souci du respect des normes de l’environnement. En vingt ans, la Chine est alors devenue le premier producteur devant les Etats-Unis avec 90% de la production mondiale. L’enjeu aujourd’hui est de taille : la Chine limite l’exportation de ces métaux dits « terres rares » depuis 2005 au travers de quotas. Entre 2005 et 2010, les exportations ont chuté de 60 000 tonnes à 30 000 tonnes, alors que la demande mondiale passait de 46 000 tonnes à 50 000 tonnes. Le prix de certains de ces métaux ayant même été multiplié par 1 000 sur la même période. Face à cette menace, une action a été lancée devant l’OMC par plusieurs pays industriels, dont les Etats-Unis, afin de critiquer le non-respect des règles de la libre-concurrence. La Chine, qui vient d’être condamnée par l’OMC suite au blocus d’autres métaux non-rares, met désormais en avant l’argument de la très forte pollution de l’exploitation de ces gisements (déchets radioactifs, acides très puissants, etc.) pour se défendre, espérant garder ainsi la main sur un marché dont elle détient 47% des gisements (les autres étant répartis partout dans le monde.); ce qui lui permettrait de renforcer sa position dans la production de produits à haute valeur ajoutée.
Les pays importateurs – qui pourraient être plus autonomes en la matière – devront encore être patients puisqu’il faudrait entre 5 à 10 ans pour faire les études permettant l’exploitation d’éventuels gisements. Une avancée stratégique de la part de la Chine qui reflète son rapport au temps et illustre la nécessité d’élaborer des stratégies à long terme, dans un monde où le court-termisme, voire l’immédiateté, l’emporte de plus en plus au dépens des équilibres géopolitiques.
Source : Libération